A l'époque Pisane, la Corse est divisée en pièves, divisions administratives et religieuses soumises à l’autorité d'une église piévane.
Cognocoli se situait dans la piève d'Ornano, dans l'ancien évêché d'Ajaccio qui n'en comprenait alors que quatorze. « La piève d'Ornano qui compte, au dire de quelques-uns, mille feux répartis en trente villages (note : mille feux équivalent en moyenne à 5 000 habitants), dont les plus connus sont ceux de Santa Maria d'Ornano (note : actuel Sainte-Marie-Siche), Zigliara et Cognocoli, parce que dans ces trois villages habitent les seigneurs d'Ornano et de Bozzi. Cette piève, dans laquelle se trouve un couvent de Frères Mineurs, produit des céréales et du vin ; à cause de l'excellente qualité de ses pâturages, on y élève quelques troupeaux de chevaux ».
Au XIVe siècle, la féodalité corse est représentée par sept familles de seigneurs issues des anciens comtes de Cinarca : les Da Mare et les Avogari Gentili au Cap Corse, et les cinq autres sur le versant occidental de l’île, les della Rocca, les Istria, les Leca, les Bozzi et enfin les Ornano. La République de Gênes, qui gère la Corse comme une colonie, cherche à écraser cette noblesse entre les XIIIe et XVe siècles, les seigneuries della Rocca et de Leca vont disparaître, et les autres seront considérablement abaissées, en particulier celle des Ornano qui participa activement aux luttes contre Gênes.
Les seigneurs d'Ornano et de Bozzi étaient sur les terres de la piève d'Ornano, de Talavo, mais aussi celle de Cauro, de l’autre côté de la crête, au nord, sur les coteaux du Prunelli, jusqu'au XVIIIe siècle. Les Bozzi étaient de Zigliara, tandis que les Ornano étaient à Santa Maria d'Ornano, ainsi qu'à Cognocoli. Si Sainte-Marie-Siche est la seule à revendiquer être le berceau des Ornano, une autre hypothèse est que les Ornano se soient d'abord installés à Cognocoli, avant 1530, pour ensuite se fixer à Sainte-Marie, Pila, Canale et Monticchi11. Cognocoli peut être ainsi considéré comme le premier berceau de cette famille, avant même Sainte-Marie.
La piève d'Ornano possédait par ailleurs des liens forts avec deux autres pièves de la vallée du Taravo : celle de Talavo (haute vallée du Taravo) et celle d'Istria (basse et moyenne vallée, sur l'autre rive). Les pièves étaient composées de trois espaces, et celle d'Ornano n’échappait pas à cette règle :
- A piaghja (littéralement la plaine, mais plus souvent traduite par la plage) : c'est la basse vallée, espace côtier non habité en permanence par peur des invasions par la mer, mais aussi pour éviter la malaria qui sévit encore dans ces zones humides et qui ne commencera à disparaître qu'avec l’arrivée des insecticides américains en 1943 (DDT) et les nouvelles plantations d'eucalyptus à Coti-Chiavari et dans la basse plaine du Taravo. Ces zones servent néanmoins de pâturage aux bergers des villages de la haute et moyenne vallée lors des transhumances, et aussi pour l’agriculture en saison. Ces espaces ne seront constitués en communes que très tardivement, car inhabités (la commune de Coti-Chiavari ne sera créée qu'en 1852 par exemple), ils appartiennent néanmoins aux communes de la haute vallée (Frasseto, Campo, Grosseto, Zevaco…). Le bas de la commune de Cognocoli en fait partie, Pratavone n'existe pas encore, et ne sera d'ailleurs fondé qu'au XIXe siècle par des habitants de Sampolo, village de la haute-vallée : on parlera alors de plage de Sampolo. Les terres fertiles de l’embouchure du Taravo sont, elles, en indivision entre les trois pièves d'Ornano, d'Istria et du Talavo.
- U paese, l’espace habité, celui des villages, se situe entre 300 et 1000 mètres d'altitude. Cognocoli se trouve ainsi être le plus bas village de la vallée du Taravo, juste avant les plages. Les villages sont souvent construits sur des promontoires ou des éperons rocheux, et souvent les maisons sont collées les unes aux autres, formant un rempart, certaines possèdent même des éléments de fortifications, preuve des nombreuses invasions qu'a subies l'île. Tout ces éléments se retrouvent dans le village de Cognocoli.
- A muntagna, (littéralement la montagne, en fait ici il s'agit de la haute-montagne non habitée), ce sont les espaces au-dessus de 1000 mètres d'altitude, sur lesquels le châtaigner ne peut plus pousser.
Village des seigneurs d’Ornano, les armoiries de Cognocoli symbolisent les six châteaux médiévaux de ces seigneurs bâtis à travers la commune. Ils sont représentés par six couronnes évoquant Piazzili, Pedilonga, Pitretu, Muntichji, Calanchi et Cugnòculu. Ce qu'on appelle châteaux sont en fait ici des maisons de notables fortifiées, souvent des tours. On devine encore dans le hameau abandonné de Monticchi une tour et son système défensif en ruines.
Piazzili et Calanchi, évoqués en 1558, sont distants de 300 mètres sur le flanc de la montagne de Piedilonga, au Poghju, face à Cognocoli. Le château de Pedilonga, du XVe siècle, est bâti sur une barre rocheuse (aujourd'hui sur la commune d'Albitreccia) à 950 mètres d'altitude et surplombe le Poghju ainsi que la route de transhumance. « Le castellu de A Pedi Longa est rapidement et indirectement cité dans la chronique (page 436 Marcellesi-Casanova) quand, au quinzième siècle, Orlando d’Ornano édifia une tour en face du castellu. » Le nom du château est constitué du préfixe pedi, dont Petru Casanova dans son dictionnaire thématique « Motti » donne la traduction la plus plausible : « rupture de pente, replat, terme indiquant un contrebas d’accès ou de proximité et non d’un piémont, toujours suivi d’un toponyme, espace ou partie à la base d’une élévation d’un relief ; préfixe fréquent en toponymie sous la forme élidée ou plurielle… ». Le château de Cognocoli était bâti dans le bas du village et a été démoli. Ses pierres ont probablement servi à la construction de la maison portant l'inscription M. 1610.0 MAGNIFICO ORNANO. Le château de Monticchi se trouvait a proximité de l’église à l'emplacement de l’actuelle Torra en ruines. Enfin, le château de Petreto, dont on peut encore apercevoir d'importantes ruines, s'élevait au-dessus de Marato, à flanc de coteau.
Ces défenses ont sans doute joué un rôle primordial lors du raid ottoman en 1545 dans l’arrière pays ajaccien tout proche, et encore plus en 1556 qui voit l'Ornano razzié, et en 1561 quand les Turcs débarquèrent à Porto-Pollo pour mener des incursions dans la vallée du Taravo. Le dernier raid barbaresque parti de Porto-Pollo et qui ramena trois cents captifs d'Olmeto aura lieu en 1660. Entre temps la côte corse se sera dotée de nombreuses tours de défense, la construction de celles du Golfe d'Ajaccio et celles de Porto-Pollo et de Castagna étant supervisée par Domenico d'Ornano.
C'est sans doute l'influence grecque qui a apporté la vendetta en Corse. Les Ornano n'y échappent pas, et de nombreux règlements de compte sanglants ont lieu à Cognocoli aux XVIe et XVIIe siècles. En septembre 1558, deux frères, Anton Paolo et Anton Guglielmo, s'entre-tuent par jalousie dans une église qui pourrait être celle du Poghju. Si ce fratricide spectaculaire a alimenté une légende locale qui narre un massacre entre les deux clans et qui explique ainsi l'abandon des deux châteaux du Poghju (Piazzili et Calanchi qui auraient appartenu à chacun des deux frères), les uns s'en allant fonder par la suite Monticchi, les autres s'expatriant à Sollacaro, il n'en reste pas moins que la tragédie est relatée par le chroniqueur Filippini et que le roi de France en est averti par une lettre de Giordano Orsini datée du 13 septembre. Les fouilles réalisées au Poghju en 1978 mettent à jour un ossuaire de 17 squelettes qui ont été jetés mélangés à de la chaux, dont certains portent des traces de mort violente (décapitation…).
De nombreuses autres vendettas sont répertoriées. En 1566, Pier Giovanni d'Ornano assassine un neveu proche de Sampiero Corso, le Capitaine Giudice d'Ornano de Cognocoli. Pier Giovani et son neveu seront assassinés peu de temps après. En 1589, Domenico et Cesare d'Ornano sont accusés d'avoir tué leur oncle Pier Giovani au cours d'une vendetta sur le chemin de Cognocoli à Pila-Canale. En 1685, Domenico d'Ornano est assassiné par des hommes de Canale. En 1715 enfin, Ignace d'Ornano, alors qu'il faisait construire l’annexe d'une tour à Cognocoli, est assassiné par un parent à lui de Sainte-Marie. Cette vendetta prend fin par la signature d'un traité de paix, comme c'était parfois l’usage.
L'église originelle San Vicenti (au Poghju) est encore ouverte au culte en 1586, mais trop éloignée du Cognocoli naissant (on y compte alors 80 âmes), les offices sont désormais célébrés à l'Oratoire de l’Annonciation. Au XVIIIe siècle, l'église actuelle édifiée sur le lieu de l’Oratoire et dédiée à Saint-Nicolas de Bari fait partie du vicariat forain d'Olmeto. Le village compte alors 222 âmes.
Entre 1611 et 1615, des révoltes paysannes extrêmement violentes éclatent dans les pièves de Cauro, du Talavo et de l’Ornano, en réaction à la fiscalité imposée par les seigneurs d'Ornano19. En 1615, Francesco d'Ornano est ainsi attaqué par ses vasseaux dans sa tour de Monticchi.
Entre les XVIe et XVIIIe siècles, les châteaux des Ornano, démantelés par les Génois, comme partout dans la vallée, sont remplacés par des tours. A Cognocoli, c'est la tour des Colonna d'Ornano qui est ainsi édifiée.
Le partage de Cauro, en 1717, met fin aux rivalités parfois sanglantes qu'il pouvait y avoir entre bergers de l'Ornano et ceux du Talavo concernant l’usage des terres de la piaghja. Ce partage concernant aussi ceux d'Istria, met ainsi fin à la solidarité qui existait préalablement entre les trois pièves à travers la piaghja indivise. On apprend également dans le plan terrier de 1770 que les communautés d'Albitreccia, de Cognocoli, de Monticchi, de Pila et de Canale possèdent de nouvelles terres sur le littoral, exclusivement en propriétés privées. Il semble que ce soit à cette période que l’usage communautaire de la piève disparaisse au profit d'un usage privé individuel.